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DEVANT MA PORTE
26 juin 2012

Devant chez moi, à l'autre bout de place (dont la

Devant chez moi, à l'autre bout de place (dont la profondeur est de cinquante pas environ), je vois la maison du Hollandais… comme nous continuons à l'appeler, bien que ce Hollandais dont j'ai oublié le nom et qui, de fait, est devenu pour moi énigmatique, n'y vécût, à une époque maintenant éloignée, que cinq ou six ans au cours desquels je ne crois pas l'avoir croisé plus de dix fois, n'échangeant avec lui que les salutations d'usage entre voisins soucieux de préserver des relations apaisées, alors même que j'avais appris incidemment ce qui aurait dû constituer, je pense, l'amorce d'une discussion, sur un sujet pour lequel ma curiosité ne tarissait pas, et qui n'est toujours pas épuisée à ce jour, puisqu'à en croire les informations données par quelques villageois, en particulier, je me souviens, lors d'un apéritif offert par l'un d'eux où j'avais été quelque peu étonné d'être convié, attendu que j'étais le seul invité à n'être originaire du village ni même des lieux proches, écoutant les hôtes se remémorer de vive voix, mimant parfois les scènes, pour la millième fois sans doute, de vieilles histoires de famille dont certains enchaînements m'échappaient trop complètement pour que je me sentisse en droit d'intervenir, de me mêler à la conversation au milieu de laquelle, tout à coup, dans la rumeur des verres qui se vidaient, des mains qui furetaient dans les raviers d'amuse-gueules, quelqu'un dit, sans rapport, me sembla-t-il, avec ce que je venais d'entendre, que le Hollandais fréquentait ou avait fréquenté Balthus, — oui, le peintre Balthus, c'est bien ça—, dont, de mon côté, à l'époque, j'ignorais à peu près tout, quoique je fusse tombé un jour sur la reproduction de ses cartons — des dessins au crayon rehaussés d'aquarelle, si je me souviens bien, mettant en scène des fillettes incontinentes — dans les revues d'art que j'aimais à me procurer et dont, incapable de jeter quoi que ce soit, jusqu'aux choses les plus insignifiantes, j'ai remisé au fur et à mesure, après bien des années, tout un stock au fond de ma penderie, créant ainsi, si j'ose dire, un pilier de revues, — mais ne conviendrait-il pas mieux de parler à ce propos d'une pile? — et regardant, non sans satisfaction, car je trouvais là une manière de distraction, se former peu à peu, par couches superposées, le pilier plus ou moins instable qu'il me fallait et qu'il me faut aujourd'hui encore retaper régulièrement, repoussant autant que faire se peut cet amas de papier imprimé dans l'angle du meuble où il prend appui — n'étant pas assuré de tenir par lui-seul, si l'on peut dire — et au-dessus duquel, séparés par des planches étagées, avoisinent mes sous-vêtements, mes chaussettes en fil d'Ecosse, ainsi qu'un lot réduit d'écharpes, de foulards de soie, de gants en peau, de chapeaux de feutre, de chapeaux de paille, de mouchoirs à carreaux, de gilets à motif en chevrons prévus pour la demi-saison...

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